Le petit patrimoine : un musée de plein air à protéger

Petit patrimoine bâti - image de l'office de tourisme du canal du Midi au St Chinian

De manière générale, d’aucuns pensent encore que le patrimoine se compose essentiellement de châteaux, d’églises, de sites archéologiques et d’espaces naturels classés, la plupart du temps porteur d’un label au faux air de « certificat de conformité » délivré par l’UNESCO.

Dans l’ombre de ce vaste Patrimoine national, le patrimoine de proximité, aussi appelé « petit patrimoine » sans que cela ne minimise son importance culturelle, demeure désespérément méconnu du grand public.

Moins prestigieux et, par extension, souvent non protégé, ce patrimoine est constitué des moulins, lavoirs, fermes, chapelles, calvaires, fours à pain, fontaines, pigeonniers, maisons traditionnelles et autres édifices qui font la beauté de la France et la diversité de ses régions. Mais derrière l’aspect pittoresque de ces trésors régionaux se cache pourtant une douloureuse réalité : le petit patrimoine de pays, sans protection, reste vulnérable.

On ne saurait alors oublier la malheureuse affaire de la halle de Bonnétable (Sarthe) qui, faute de protection juridique, a été dénaturée à jamais lors de sa rénovation en 2017. Un cas qui, loin d’être unique, témoigne de l’ampleur de la menace qui pèse quotidiennement sur le petit patrimoine

Néanmoins, le combo formé par les restrictions budgétaires et les difficultés d’entretien ou de réhabilitation de ces édifices pose le débat sur la nécessité de protéger ou non le patrimoine de proximitéEn effet, est-il vraiment pertinent pour un territoire de conserver ces édifices ? Si oui, pourquoi ? Pour qui ?

Un témoin fidèle du passé :

Non soumis aux transformations liées aux changements d’usage comme le sont généralement les édifices habités, le petit patrimoine s’impose comme le témoin fidèle d’un passé dont il conserve la trace.

Objet concret d’évocation du quotidien profondément inscrit dans la vie locale, il renseigne sur l’histoire, les activités ou encore les us et coutumes de tout un territoire dont il reste un champ d’étude privilégié pour les scientifiques et les archéologues.

Aussi, même si la plupart de ces petits édifices n’ont généralement plus aucun usage, ces-dernier possèdent incontestablement une forte valeur historique et sentimental.

Parce qu’il témoigne également du mode de vie et de la culture des générations précédentes, le patrimoine de proximité développe et favorise le sentiment d’appartenance des habitants à leur région voire, dans un cadre plus modeste, à leur commune. Un sentiment qui augmente indiscutablement à mesure que ces regroupements populaires sont festifs et conviviaux.

A Campan et nulle part ailleurs, les « mounaques »* font partie intégrante du patrimoine des Hautes-Pyrénées bien qu’ils demeurent résolument rattachés à la tradition ancestrale de ce petit village emblématique de la Haute-Bigorre.

Mounaque de Campan - Lavoir
Les Mounaques de Campan au lavoir – TDR

Fabriquées à partir de chiffons et de foin, ces poupées humaines caricaturales investissent alors les lavoirs, balcons, places et ruelles du village durant la période estivale, apportant un nouveau regard sur l’histoire du village et ces édifices.

A l’image de cet exemple, le petit patrimoine porte en lui toute la richesse des caractéristiques territoriales et s’oppose alors de manière presque salutaire à l’harmonisation des différences opérée par la mondialisation.

Le petit patrimoine, outil d’attractivité territorial ?

Si les édifices composant le patrimoine de proximité n’ont généralement aucune justification utilitaire ou économique, ces-derniers restent néanmoins profitables à l’économie touristique et à celle du bâtiment.

Le plus souvent situés à l’écart de nos aménagements contemporains, les lavoirs, les moulins, les ponts et autres fontaines génèrent à eux-seul autant de « micro-sites » où les populations aiment venir se ressourcer loin du tumulte de la vie moderne.

Une aubaine pour certains territoires qui ont ainsi pu relancer le tourisme au sein de leur région, notamment en inscrivant les biens de leur commune sur la liste des animations proposées dans le cadre des Journées du Patrimoine de Pays – renommées Journées du patrimoine de pays et des moulins en 2006.

Créées il y a vingt-ans, ces journées prônant la valorisation de ce patrimoine local connaissent alors un succès grandissant avec près de 120 000 visiteurs chaque année participant aux 1200 activités gratuites proposées partout en France**. Une manifestation qui, en plus de traduire l’attachement des français à leur biens patrimoniaux, aura permis de sensibiliser les collectivités territoriales sur la nécessité de sauvegarder le petit patrimoine.

Le petit patrimoine et la jeunesse :

Chantier Jeune - Union Rempart
Chantier de restauration du patrimoine – ©Union Rempart

Objet de l’engagement des associations de sauvegarde du patrimoine, le patrimoine de proximité s’avère également devenir un support de questionnement particulièrement riche pour les jeunes générations. En atteste l’implication constante de la jeunesse au sein des chantiers et missions de restauration du patrimoine.

A titre d’exemple, l’Union REMPART indique impliquer 10 000 citoyens chaque année sur l’ensemble de ses chantiers.

Une initiative évidemment encouragée par le ministère de la Culture qui, en 2011, a accordé aux trois grandes associations nationales : « Union REMPART », « Chantiers Histoire et Architecture Médiévales » et « Le Club du Vieux Manoir » une aide financière à hauteur de 314 000€ pour l’organisation de 117 stages de formations et chantiers bénévoles à destination de plus de 1 600 stagiaires***.

De même, les associations de défense du patrimoine ont également mis la jeunesse à l’honneur en 2016 dans une lettre ouverte forte de 22 propositions d’améliorations adressée aux Français et aux élus sur le patrimoine, dont la dixième souhaite accompagner la formation des jeunes et des étudiants en architecture aux techniques vernaculaires.

Toutefois, s’il existe depuis déjà plus d’un siècle des lois de classement des monuments historiques et de leurs abords complétées par la loi Paysage de 1990 et les missions des services décentralisés des ministères de la Culture et de l’Environnement, l’absence d’une réelle politique en faveur du patrimoine non protégé témoigne de l’énergie qu’il reste encore à déployer pour préserver les trésors de notre patrimoine des lobbies du secteur du bâtiment.

Car, bien que la méconnaissance du petit patrimoine résulte d’une histoire, en France, plus nationale que locale, ce-dernier n’en demeure pas moins un véritable objet de fierté qui mérite, au même titre que le patrimoine national, d’être entretenu, valorisé et surtout…partagé.

Marion Spataro

 

*La « mounaque », qui signifie donc « poupée », est issue d’une vieille tradition de Campan consultable sur le site officiel de la fabrique campanoise : http://mounaquesetcompagnie.fr/

**Source : https://www.patrimoinedepays-moulins.org/jppm

***Source : http://www.culture.gouv.fr/

 

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