L’art funéraire : tombeaux des élites à Bologne au Moyen Âge

Au Moyen Âge, la mort est un aspect essentiel de la vie. A partir du XIIIe siècle, le Purgatoire comme le décrit J. Le Goff, devient une thématique importante dans le quotidien des populations. Il est nécessaire d’accéder au Paradis et ainsi d’avoir une vie sans péchés. La mort fait peur, les hommes du Moyen Âge central s’en méfient, les sacrements sont primordiaux : le baptême avant tout autre puisqu’il permet d’avoir accès à la terre cimitériale.

La dernière demeure

Gisants dans la Cathédrale de Saint-Denis, photographie (C.) http://catolacus.over-blog.fr
Gisants dans la Cathédrale de Saint-Denis, photographie (C.) http://catolacus.over-blog.fr

A partir du Bas Moyen Âge, les cimetières deviennent un lieu de monstration sociale. Les élites se font représenter sur leur sépulture : en prière, les mains jointes ou avec un livre. Ces personnages se font pieux. Des marqueurs de ces figurations sont conservés aujourd’hui, que ce soit au musée du Louvre pour les élites de Bourgogne ou encore à Saint-Denis, qui garde ses gisants.

 

Gisants dans la Cathédrale de Saint-Denis, photographie (C.) http://catolacus.over-blog.fr
Gisants dans la Cathédrale de Saint-Denis, photographie (C.) http://catolacus.over-blog.fr

La France n’est pas la seule à avoir utilisé ces codes de figuration. Bologne, ville d’Emilie-Romagne (Italie), en est un bon exemple. En 1088, une université y est créée (la plus ancienne d’Europe). Elle accueille des grands personnages comme Boccace ou encore Dante et a des conséquences directes sur la hiérarchisation de la société : ces membres – appelés « docteurs de l’université » – deviennent importants pour la vie de Bologne. Et leur position intellectuelle transparaît sur les monuments funéraires qui transmettent.

Cimetière à la mode

Le cimetière de San Domenico se situe au sud-sud-est de la ville de Bologne et abrite l’ordre dominicain. L’espace funéraire de ce couvent attire un grand nombre de fidèles. Le placement des tombes se fait surtout par rapport à l’édifice religieux. Deux marqueurs de surface sont encore en place aujourd’hui : il s’agit des mausolées d’Egidio de Foscherari et celui de Rolandino Passagerri.

mausolée de Rolandino Passagerri
Mausolée de Rolandino Passagerri, Giovanni di Viviano et Pietro di Corrado,1300.

Rolandino Passagerri (vers 1215 -1300) est un « maestro di arte notarile » à l’université de Bologne. Il est un célèbre professeur de droit et juriste. Il a notamment publié sur le droit notarial dans son ouvrage Summa artis notariae, donnant des préceptes pour appliquer cette science. Sa place dans la société l’a fait participer à la vie politique de la cité.

Le mausolée de Rolandino Passagerri se compose de plusieurs parties. Le podium, surélevé par un socle, reçoit une série de colonnes s’organisant en trois rangées constituées de deux bases. La première semble indépendante de la colonne, servant à surhausser la construction. Des tores décorent les bases qui ont un fût monolithe. Les chapiteaux sont simples et décorés de feuilles d’acanthe sur les quatre angles. Ils reçoivent une architrave abritant un caisson à couvercle où repose le corps du défunt.
Cet édifice semble être inspiré par deux temps architecturaux, l’Antiquité et la période gothique, qui symbolisent tous deux un renouveau dans les arts. En effet, à l’ouest et à l’est, l’espace renfermant le corps est soutenu par quatre colonnes couplées par deux, rappelant le niveau du triforium dans les édifices gothiques. Les retombées sur le monument de Rolandino Passagerri sont de deux, les colonnettes sont quasi toutes identiques à celles du premier niveau. Ce jeu d’alternance se retrouve souvent dans l’architecture gothique.

Le second étage supporte le toit pyramidal, dont la pointe est décorée d’une croix insérée sur une sphère, pouvant être interprétée comme l’allégorie de la Terre. Dans l’iconographie médiévale et moderne, le signe de la croix est souvent représenté comme prenant pied sur une forme convexe, figurant la Terre. Cela symbolise l’éternité et fait donc référence au Christ.

Au niveau supérieur prend place un caisson avec un couvercle dans lequel repose la dépouille. Les façades est et ouest sont identiques et comportent une inscription. La première identifie le titulaire de la sépulture, alors que la deuxième distingue les restaurateurs du monument.

cerceuil
Le tombeau du défunt est décoré sur ses quatre côtés. Sur les deux faces longitudinales, le décor consiste en une représentation figurée alors que sur celles latérales il s’agit d’emblème, comme une croix grecque pour la face méridionale. A l’ouest figure un groupe de cinq personnages : un professeur dispensant un cours à quatre étudiants. Les élèves sont représentés assis en file, face à leur enseignant. Il se peut que cela mette en scène un fait réel, rappelant une des activités de Rolandino Passagerri.
La morphologie de ce marqueur de surface a pour but premier de célébrer la fonction de son propriétaire. Elle permet également de conserver le souvenir de cet homme de droit. La forme, les matériaux et les dimensions informent sur la position hiérarchique de son titulaire.

Cet exemple souligne l’importance de la représentation après la mort. Souvenir social à l’image des stèles funéraires antiques, c’est également un support pour exhorter à la prière. Le statut du défunt prend alors le pied sur la représentation. Bologne met en lumière le fait que les sépultures sont le miroir de la société sociale et religieuse entre les XIe et XVe siècles.

Ophélie Nimeskern

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