[SPECIALE LUMIERES] La lumière, matière immatérielle

Pendant longtemps les artistes se sont attelés à peindre la lumière par des effets de clairs-obscurs, de touches subtiles de blanc. Mais lorsqu’il a fallu réinventer l’art dans les années 1920, transcendant l’espace pictural, critiquant la peinture et l’huile, médiums princiers jusqu’alors, la lumière est devenue un nouvel enjeu. L’un des précurseurs en la matière est László Moholy-Nagy, artiste hongrois. Avec Modulateur-Espace-Lumière (ou Lichtrequisit) (1922-1930), il marque un nouvel élan plastique, alliant la lumière, les ombres, le mouvement et la machinerie.

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Laszlo Moholy-Nagy, Lichtrequisit, ou Modulateur Espace-Lumière, 1920-1930

La lumière mouvante

moholinagyL’installation est particulière et ne manque pas d’interpeller à l’époque : assemblage de plaques de plexiglas et de métal, la machine rotative pourrait faire penser aux nouvelles villes modernes composées de hauts bâtiments, dont les Futuristes italiens ne cessaient de vanter les mérites. Les ombres projetées sur les murs confèrent à l’ensemble une atmosphère fantasmagorique voire hallucinatoire. La machinerie des années 20 n’est pas seulement une progression mais aussi un objet inventif du futur, ce que Moholy-Nagy semble montrer. Si ici elle semble inoffensive, elle n’inspire pas pour autant la tranquillité. Dans la froideur et l’instabilité des matériaux, nous pourrions aussi déceler une menace inhumaine pesant sur les générations à venir.

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Lorsqu’en 1930, la Lichtrequisit est terminée, Moholy-Nagy réalise Ein Lichtspiel schwarz-weiss-grau, film dont le montage accentue la déroute puisque la pellicule y est retournée et passe du positif au négatif. La lumière reste toutefois importante : nous avons celle qui est montrée puis celle qui est utilisée pour faire le film. Ainsi elle devient sujet, matière et outil.

La perception de la lumière

Lorsque l’artiste définit son travail, il le fait sous l’appellation “espace-lumière-mouvement” qui lancera d’ailleurs le mouvement cinétique, faisant de la lumière un langage singulier de la création plastique. Cette volonté permet à l’artiste non seulement de travailler la lumière mais en plus, d’agir sur les manières dont le spectateur va percevoir cette dernière. En effet, dans Modulateur- Espace-Lumière elle est à prendre dans le trio qu’elle forme avec le mouvement et l’espace. En projetant des ombres déformées des modules de l’assemblage, l’environnement s’en voit changé : les murs sont habillés de formes dansantes, épousant leurs angles.

 

Les matériaux utilisés par l’artiste ont alors autant d’importance que l’assemblage final : selon leur densité, leur couleur, leur forme, la lumière va se frayer un chemin différent, parfois teintée comme dans le travail de Dan Flavin Untitled (to Henri Matisse).

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Dan Flavin, Untitled (to Henri Matisse), 1964. Pink, yellow, blue and green fluorescent light. © 2017 Stephen Flavin/Artists Rights Society (ARS)

Avec l’électricité, l’art a pu moduler la lumière d’une manière inédite. Elle n’est plus seulement un moyen de donner du relief aux formes ou de mettre en avant certains détails. La lumière est aussi une matière animée, aux propriétés physiques intéressantes.

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