C’est un jour particulier chez Deuxième Temps, car la revue fête sa première année d’existence ! Pour cette occasion particulier, on a proposé à nos plumes de partager avec vous l’oeuvre qui a le plus marqué leur année. Dans cette première édition, nous laissons donc la parole à Marion Spataro et Manoël Legras.
Le coup de cœur de Marion : JR, Women are Heroes, Rio, 2008
Année 2016, la presse culturelle s’affole, c’est l’effervescence dans les kiosques et pour cause : quelqu’un aurait fait disparaître la pyramide du Louvre ! Impossible ? C’est ce que je pensais avant de connaître JR. Tapage médiatique oblige, le curriculum vitae de JR fait la une des journaux spécialisés. Affichiste, collagiste et pur produit de la génération street-art, l’énigmatique artiste est incontestablement passé maître dans l’art de l’anamorphose. Comme beaucoup, j’avoue avoir été séduite par cet habile trompe l’œil. Pourtant, c’est une œuvre nettement plus engagée qui a suscité toute mon attention. En 2008, JR part pour un voyage aux quatre coins du monde à la rencontre des femmes pour son projet : Women are Heroes.

Du Brésil au Sierra Leone en passant par le Libéria et le Kenya, l’artiste souligne, à travers d’immenses collages, la dignité et le courage de ces femmes qui sont souvent la cible des conflits. L’action menée dans l’une des Favelas de Rio est, à mes yeux, l’une des plus représentatives. A l’heure où la presse nationale relatait la mort récente d’une de nos plus « grande dame », Simone Veil, celle-ci prend désormais encore plus de sens dans la mesure où elle nous pousse à réfléchir sur la condition féminine en France et à travers le monde. Inégalités, asservissement, harcèlement, discrimination, violences… Nombreux sont encore les combats à mener et c’est pourquoi, lorsque mes yeux se posent sur cette œuvre, je ne peux m’empêcher de penser au chemin parcouru et à l’ampleur de l’héritage laissé par nos aînées. Oui, moult efforts auront été nécessaire pour que les droits et la place des femmes soient reconnus, mais gardons à l’esprit qu’il faudra en déployer encore plus pour les sauvegarder…
Marion Spataro
Le coup de cœur de Manoël : Rodin, Cathédrale, 1908
J’ai découvert la Cathédrale de Rodin en licence d’histoire de l’art, il y a peut-être trois ou quatre ans. Je me souviens avoir eu le sentiment de voir quelque chose de très… différent, et en même temps extrêmement poétique. L’oeuvre est une métaphore, pensée comme la représentation organique (des mains humaines) d’un détail architectural (les voûtes d’une cathédrale), et par analogie, de l’élévation spirituelle.

Mais j’y vois surtout un geste extrêmement intime, comme pris sur le vif, de deux personnes en train de nouer une relation profonde, de prendre connaissance l’une avec l’autre à travers ce frôlement. On a le sentiment d’une danse harmonieuse et légère, d’une complétude entre deux personnes, et la dynamique de l’oeuvre laisse l’imagination poursuivre le geste, imaginer la suite. Je pense que j’aime particulièrement cette oeuvre car elle se déploie au delà de sa métaphore : la pureté de l’élévation spirituelle suggérée par le titre s’accorde parfaitement avec la dimension plus sensuelle, physique d’un contact humain. Ça parle de quelque chose de très simple finalement, et pourtant très beau.
Manoël Legras