L’art de la mise en scène des objets d’art

Si vous avez coutume de fréquenter expositions et musées, il ne vous aura pas échappé que ceux-ci ont bien changé ces trente dernières années. Là où autrefois nous déambulions sans autre but que voir tableaux et objets d’art exposés sans apparente logique, nous sommes aujourd’hui invités à regarder, contempler et prendre part. La mise en scène des oeuvres d’art est en effet devenue incontournable dans la conception d’une exposition, d’un musée ou d’un lieu de savoir.

Comment en est-on arrivé là et surtout pourquoi?

A la Renaissance quand apparaissent les musées, qui sont en fait plus des galeries privées où sont rassemblées des collections, l’accumulation prime, au détriment d’un souci de présentation ou d’esthétique. C’est au XVIIIème siècle que naissent véritablement les musées à destination d’un public plus large. La présentation des oeuvres obéit alors plus à la hiérarchie des genres qu’à un but didactique, les peintures d’Histoire trônant sur la partie centrale des murs alors que les paysages sont relégués au second plan. Peu à peu, on prend conscience du patrimoine culturel et de l’importance de sa conservation. Dans les années 80 les musées changent de visage, le métier de scénographe apparaît et les expositions temporaires attirent un public de plus en plus nombreux.

Avec la démocratisation de la culture et son accès est en effet apparue une « nouvelle muséologie », qui favorise la compréhension des oeuvres et leur lecture. La scénographie, qui doit beaucoup au théâtre, permet au visiteur de devenir acteur de sa visite. Par une habile scénarisation du contenu (toiles, sculptures, objets d’art…) grâce au travail de l’ambiance, des couleurs, des matières et même du mobilier, le scénographe crée un parcours à la fois libre et guidé, une déambulation soigneusement rythmée, alternant pauses explicatives et contemplation,  pour transporter le spectateur dans un univers ou une époque. Pour l’exposition l’Innocence archaïque du Douanier Rousseau à Orsay l’an passé, la couleur bleu-vert des murs où étaient accrochées les toiles, laissait une impression persistante de jungle et de nature omniprésente.

Le Douanier Rousseau, L’innocence archaïque
Exposition Le Douanier Rousseau, L’innocence archaïque. Crédit Photo et source, ©Musée d’Orsay
Le musée du Quai Branly
Le musée du Quai Branly, photographie © Jean-Pierre Dalbéra sur flickr

Au Musée du Quai Branly à Paris, ce sont les murs comme recouverts de cuir tanné qui dessinent des niches judicieusement éclairées qui évoquent le continent africain et les arts premiers. Le jeu sur le cadrage, la perspective, la signalétique et même la protection des objets (cordons, vitrines, …) sont aussi des éléments de la scénographie qui permettent de mettre les oeuvres en valeur, pour créer une émotion souvent inconsciente chez le spectateur.

Cela vaut aussi pour les expositions dites de savoir scientifique, où l’on privilégie la mise en scène pour véhiculer un message. L’exposition devient alors un média à part entière pour un public souvent familial. Ainsi « Dans la chambre des merveilles » au Musée des Confluences en 2015, 800 pièces (papillons, coquillages, animaux empaillés,…) sont assemblées en de somptueux tableaux évoquant les cabinets de curiosité de la Renaissance et suscitant admiration et émerveillement.

Dans la Chambre des Merveilles, Musée des Confluences
Exposition Dans la Chambre des Merveilles, Musée des Confluences, photographie © Jean-Pierre Dalbéra sur flickr

La mise en scène est aujourd’hui déterminante dans le succès d’une exposition et les musées deviennent à la fois un espace de diffusion des savoirs et un lieu de vie et d’émotion (regroupant espace de débats, centre de recherches, lieu de création, …). Avec l’émergence des nouvelles technologies, l’omniprésence d’internet, les frontières entre le musée et l’extérieur se brouillent. L’art et les enjeux de la scénographie vont devoir encore évoluer dans les musées, qui sont comme des laboratoires grandeur nature, où le scénographe, au carrefour de plusieurs disciplines (théâtre, architecture, design d’espace, informatique…) devra toujours se mettre au service du propos de l’artiste mais aussi à celui du public de plus en plus averti et demandeur.

Anne Hory Forest

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