À la manière d’un livre, une peinture raconte une histoire, son format étant celui du tableau et son langage, celui pictural. En série ou unique, l’ambition de l’artiste est compliquée : exprimer dans une toile une idée, une action, un fait historique. Pour cela, chaque artiste a sa manière de réalisation : certains se noient dans les détails, d’autres épurent au maximum la toile.
Le créateur que nous allons présenter aujourd’hui a choisi de revenir vers une forme de narration plus graphique et populaire, la BD.
L’image classique de la BD
Né en 1923 à New York, Roy Lichtenstein étudie la peinture aux Beaux-Arts, en 1940. Particulièrement influencé par les théories de H.L. Sherman sur la psychologie de la vision et de l’illusion, il en utilisera des aspects dans son travail, et participera à sa reconnaissance dans le mouvement Pop’Art.

Depuis 1961, les principaux thèmes de Lichtenstein proviennent de la publicité, des objets de la vie courante mais aussi des bandes dessinées. En 1963, date de création de In the car, l’artiste avait mis en place une technique particulière, lui permettant de peindre rapidement et facilement : après avoir reproduit une image ou une photo en petit, il place son dessin dans un appareil de projection afin de dessiner en plus grand, sur une toile. Mais loin de se tenir à une simple reproduction, le peintre joue avec l’image, la déforme et la modifie, jusqu’à ce que le résultat soit satisfaisant.

Le thème de cette toile pourrait être qualifié de classique : les personnages sont particulièrement apprêtés, le cadrage serré et la narration tient dans l’expression des corps. Même si la scène est muette, la froideur placide du visage de la femme, le regard et le sourire en coin de l’homme créent une tension palpable : le spectateur est invité à imaginer les dialogues et les raisons de celle-ci.

Le traitement graphique tient lui aussi de la BD. L’élément le plus probant est sans doute le cerne noir de chaque élément de l’image. Parfois épais, fin, incurvé ou droit, il marque la profondeur de l’image, sans quoi elle serait extrêmement plate, et installe un mouvement dynamique, comme dans les cheveux. De même, si les couleurs sont travaillées de manière uniforme et en monochrome, les hachures sur le visages marquent les ombres creusant et arrondissant les formes.
Du trait au pontillé
Quant à la structure de l’image, elle est donnée par les effets graphiques. Si tout est placé au même plan, le fond étant traité de la même manière que le visage de la femme, les hachures séparent les espaces. Celles verticales participent également à l’effet de lumière grâce au blanc du reflet et de vitesse, rappelant le lieu dans lequel l’action se passe : la voiture. Aussi, le volant, les contours blancs du pare-brise et le rouge de la carrosserie enferment les deux personnages. En fait, ils paraissent même écrasés, trop grands, renforçant le caractère intime de la scène. Est-ce un couple en plein milieu d’une dispute ?
Sur cette toile, Lichtenstein utilise divers procédés : par endroit, la toile est restée vierge alors que d’autres sont remplis par des pointillés. De loin, l’œil ne perçoit pas ces différences, mélangeant les couleurs. Mais de près, une multitude de détails s’offre à lui ! La régularité des textures est impressionnante : pour arriver à un tel résultat, Lichtenstein a travaillé avec un pochoir métallique. Ainsi, les visages et le fond sont traités de cette manière. Pour le reste, l’artiste fonctionne par aplat, coups de pinceau ou tache, afin d’apporter de la matière à l’ensemble.
Grâce à In the car de Roy Lichtenstein, nous avons pu voir que le traitement graphique d’une image se révèle important pour l’esthétisme de celle-ci. Le tableau n’est pas qu’une histoire contée mais aussi un travail de texture permettant à l’œil d’être toujours animé. Si l’apparente simplicité de la thématique laisse libre court à l’imagination, les détails visuels montrent une technicité plastique détaillée et intéressante.