Antoni Gaudí, architecte créateur du naturel

Antoni Gaudí est né en 1852, à deux pas de Barcelone, en Espagne. Il passe une grande partie de son enfance dans l’atelier de son père qui est artisan chaudronnier. Son imaginaire créatif est fortement marqué par les objets qui y sont élaborés. Il développe un sens aigu de l’observation et une grande curiosité pour la nature.

Antoni Gaudi, portrait jeune. Photo par Junta Constructora del Temple Expiatori de la Sagrada Familia
Le jeune Antoni Gaudi. Photo: Junta Constructora del Temple Expiatori de la Sagrada Familia

Durant les premières années de sa vie, la Catalogne est en pleine phase de transformation des modes de vie. Un an avant sa naissance avait lieu la première Exposition Universelle (rappelez-vous le Cristal Palace de Londres, par Joseph Paxton). Avec les nouvelles méthodes de construction industrielle, la croissance urbaine est rapide (logements résidentiels, centres commerciaux et nouveaux moyens de transport). Les murailles de Barcelone ayant été abattues en 1854, un plan d’urbanisme est mis en oeuvre par Ildefons Cerdà pour permettre une croissance rationnelle et efficace de la ville de Barcelone. La société se retrouve progressivement transformée par le dynamisme et l’ouverture qu’apporte le monde moderne. C’est à cette époque que les codes artistiques en place depuis des centaines d’années sont mis à mal. L’architecture ne manque pas à la règle. Mais lorsqu’il s’agit de trouver des solutions adaptées aux nouvelles exigences urbaines et aux problèmes de logement, tout le monde n’approuve pas les idées modernistes. Certains jugent l’urbanisation trop rapide et dégradante envers la condition humaine et esthétique (John Ruskin). Le métier d’architecte n’est donc pas simple à ce moment de l’Histoire.

Lorsqu’il devient élève architecte en 1873, la première République est proclamée à Madrid. Un an plus tard, la monarchie est rétablie par le coup d’Etat du général Pavía. Cet élément de l’Histoire illustre la volonté des catalans d’être autonomes face à la capitale Madrid et explique les spécificités culturelles et identitaires qui distinguent les différentes régions d’Espagne. Lorsqu’il sort diplômé de l’Ecole, en 1879, l’architecte a largement observé les remous de la vie politique. Ses travaux montrent une volonté de développer l’identité catalane et de valoriser l’expansion rapide de la ville. Les nouveaux architectes, dont Gaudí fait partie, avaient « Paris comme idéal assumé et La Havane comme modèle inconscient« , d’après ce que nous dit Eduardo Mendoza. Après ses études, Gaudí enchaîne les chantiers et devient rapidement un architecte important de la sphère catalane bourgeoise. Dans ce contexte de la seconde moitié du XIXe siècle, des entrepreneurs dynamiques et cultivés apparaissent. Gaudí rencontre Eusebi Güell, l’un des plus importants mécènes de son temps.

Les grands chantiers

Gaudí se voit confier la charge d’architecte en chef de la Sagrada Família dès 1883. Il y travaille jusqu’à la fin de ses jours (1926), laissant derrière lui un chantier encore inachevé. Pour ce projet, il reprend le travail de son prédécesseur Francesc de Paula Villar et réinterprète progressivement son projet. Situé au centre de la nouvelle expansion urbaine et de la plaine de Barcelone, l’église représente une synthèse de l’imaginaire symbolique de l’architecte. Il s’agit d’une représentation de l’Eglise Universelle, céleste et terrestre. La complexité de l’édifice pousse Gaudí à réaliser de nombreuses maquettes. L’objectif est d’atteindre une « transfiguration définitive du gothique », achèvement et dépassement de l’aventure des grands constructeurs de l’Europe médiévale. Les valeurs religieuses qu’il souhaite exposer dans une démarche didactique guident sa réflexion, mais la nature reste sa source d’inspiration première. A la manière d’éléments végétaux, le béton armé et les coffrages de pierre courent le long des façades et entre les sculptures. Ces détails donnent l’impression d’un bâtiment creusé dans la roche, à la manière des bâtiments troglodytes. On parle de « jardin de pierres ».

Outre les bâtiments publics (collège des teresianes, palais épiscopal, etc.) qu’on lui commande, Gaudi se voit confier de nombreux projets à Barcelone, notamment par l’entrepreneur Güell. Parmi ces projets se trouvent la Finca -propriété- Güell (1883-1887) et le Palau -palais- Güell (1886-1890), sans oublier le Parc Güell, qui représente sans doute le mieux son attirance pour les motifs végétaux et naturels.

Antoni Gaudi, Parc Güell, iguane multicolore à l'entrée (Reto Guntli)
Antoni Gaudi, Parc Güell, iguane multicolore à l’entrée. Photographie Reto Guntli

Ce parc est mis sur pieds entre 1900 et 1914. Il s’agit pour Eusebi Güell de concevoir une cité-jardin, quartier privé de luxe, avec une clôture et un accès surveillé. Le lieu n’aura toutefois aucun succès auprès des potentiels acheteurs. Ce n’est que lorsque la municipalité de Barcelone en devient propriétaire et rend le parc public, que le lieu est vraiment fréquenté. Après la mort de l’architecte, un musée à sa gloire est installé dans la maison qu’il s’était attribuée sur le domaine. En 1969, le Parc Güell est classé Monument national. Il est également inscrit sur la liste du Patrimoine mondiale de l’UNESCO depuis 1984.

Plan d'ensemble du parc Güell
Plan d’ensemble du Parc Güell, © Dani Riera Il·lustracions, source site officiel du Parc.

Pour mettre au point ce projet, Gaudi s’inspire du premier parc public urbain de Barcelone, « la ciutadella », réalisé par l’entrepreneur Josep Fontseré i Mestres, et auquel Gaudi participe durant ses études. L’architecture et la nature se confondent littéralement. Gaudi utilise ses connaissances en botanique pour insérer des plantes typiques des régions subtropicales, créant ainsi un jardin en pleine ville. Il transpose dans la pierre des éléments du monde naturel et les structures se fondent dans l’environnement grâce aux stries qu’il crée dans les surfaces. La circulation se fait sur de longues allées dont les courbes sont sinueuses. Les terrassements du terrain se font rares; l’architecte préfère créer des grottes plutôt que de transformer le terrain accidenté. Des portiques sont soutenus par des colonnes inclinées aux fûts en spirale ou à la forme humaine. De nombreux éléments sont recouverts d’un alliage de pierre rustique, d’un revêtement de céramique ou de terre-cuite. Le « jardin de pierres » est de retour. Ces différentes matières, au contact de la lumière du soleil, créent parfois une illusion de mouvement ondulatoire à la manière des vagues. Diverses sources d’eau et des espaces de repos conviviaux sont implantés sur le parcours.

« Vous voulez savoir où j’ai trouvé mon modèle? Un arbre tout droit; il porte ses branches, qui portent les brindilles, qui portent les feuilles. Et chacun de ces éléments individuels a grandi de façon harmonieuse, magnifique, depuis que Dieu l’artiste les a créés. »

Antoni Gaudí

Cette inspiration de la nature qui marque l’oeuvre de Gaudí est toute particulière dans l’architecture moderne catalane. Il s’agit d’une touche personnelle, variante de l’Art nouveau (comme on l’appelle en France) qui se développe dans tout l’Occident entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle. L’architecte propose une orientation organique et naturaliste à son approche constructive. Il s’empare du langage formel et structurel de l’architecture et utilise au mieux les capacités expressives des techniques de construction catalanes traditionnelles. Il explore ainsi les formes géométriques de la nature, peu utilisées dans le langage architectural jusque là.

Amandine Candel

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