Stanley Kubrick, les yeux grands ouverts

Il semblerait que les multiplexes cinématographiques s’attachent de manière plus ou moins intéressée à notre patrimoine ! À l’affiche, des films cultes refont surface au milieu des blockbusters. Actuellement, l’un d’eux nous invite à revoir l’excellent et incontournable chef-d’oeuvre de Stanley Kubrick, Shining, (1980). En rencontrant à nouveau l’affiche du film un frisson fossilisé vous parcourt, et vous rappelle l’importance des images dans l’Oeuvre du réalisateur.

Rien d’étonnant à cela ! Stanley Kubrick a exercé une pratique photographique remarquable, et qui ne peut que parfaire notre compréhension, accroître notre agrément pour l’homme et l’artiste.

Autoportrait de Kubrick avec un Leica III, 1949
Autoportrait de Kubrick avec un Leica III, 1949

Pour rappel, Stanley Kubrick naît à Manhattan en 1928, et décède en 1999 à Childwickbury (Royaume-Uni). Il est un éminent réalisateur, scénariste, producteur, mais également photographe ! Sa carrière compte, en quarante-six ans, treize longs métrages. Parmi eux se distinguent 2001, L’odyssée de l’espace (1968), Orange Mécanique (1971), Shining (1980), ou Full Metal Jacket (1987).

Sa création photographique quant à elle est moins connue, bien qu’elle soit le prélude de son parcours cinématographique.

Du photo-journalisme au documentaire filmique

Stanley Kubrick débute très jeune. À treize ans, son père lui offre son premier appareil photo, et lui apprend à développer ses pellicules lui-même à la maison. Un chamboulement pour l’artiste qui se voyait déjà jouer de la batterie dans un groupe de Jazz, et se consacre désormais pleinement à cette nouvelle activité. Il se fait remarquer très vite. En 1945, soit à seulement dix-sept ans, le magazine Look lui achète une photographie qui représente un vendeur de journaux effondré après l’annonce de la mort de Franklin Roosevelt. Le jeune homme est engagé comme photojournaliste par le magazine. Il y travaillera pendant quatre années qui lui permettront également de se perfectionner dans son art.

How People Look to Monkeys [Crowd looking at a monkey in a cage.]
How People Look to Monkeys [Crowd looking at a monkey in a cage.]. 1946
Palisades Amusement Park [Children looking at a roller coaster.]
Palisades Amusement Park [Children looking at a roller coaster.]. 1946.

La photographie va le mener directement au cinéma. Il réalise un photo-récit intitulé Prizefighter. Celui-ci raconte une journée de la vie du boxeur professionnel Walter Cartier. Prizefighter est à l’origine du premier film documentaire de Stanley Kubrick, Day of the fight, (1951).  

L’homme a réalisé un grand nombre de photographies (voir les collections du Museum of the city of New York). Celles-ci sont comme un présage de sa carrière cinématographique : Kubrick cherche à composer une image, à dompter la lumière; de ses clichés émane sa sensibilité. Il a probablement finit par trouver dans le cinéma le mouvement qui manquait à ses photographies…

La construction par plans

L’une d’entre elles me parait assez significative de ce que cherchait l’artiste au travers de la photographie. Il s’agit de Leonard Bernstein [Leonard Bernstein talking to a woman at a party.]. Elle a été prise en 1949 lors d’une soirée, ainsi que l’intitulé nous le rappelle. La photographie est en noir et blanc.

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Leonard Bernstein [Leonard Bernstein talking to a woman at a party.]. 1949.

Plusieurs personnages sont visibles dans un espace réduit, rentrant dans le petit cadre qu’implique la photographie. Les personnes immortalisées sont au nombre de cinq, six considérant que le photographe est toujours omniprésent. Sur l’image nous distinguons trois femmes, et l’on imagine deux hommes.

Au premier plan à gauche, soit collée à l’objectif, le visage de profil, l’épaule, la main tenant une cigarette, d’une même femme. Puis sur la droite, à nouveau une épaule sous un costume noir, placée plus haute elle suggère la présence d’un homme. La photographie est prise en plan poitrine. Le cadrage est parfait, il relate une histoire. Le peu de vide présent évoque la proximité des personnes entre elles, et donc le grand nombre de participants venus à cette soirée. Il contribue également à l’atmosphère festive et chaleureuse de la scène.

La fumée de cigarette passée, nous voilà au second plan, où sont visibles deux femmes. L’une sur la gauche nous tourne presque complètement le dos afin de discuter. L’autre sur la droite regarde elle aussi en direction de l’homme du premier plan. Tous sont apprêtés en conséquence.

Leonard Bernstein n’apparaît qu’au troisième plan, mais le cadre est tellement resserré qu’il reste proche de l’objectif. De plus, il est le personnage central de l’image, et nous apparaît comme étant l’objet principal de la photographie. Ce sentiment est décuplé par le cadre qui est rejoué par les autres personnes, matérialisant des lignes de fuite en direction de ce dernier. L’homme de face, légèrement tourné en direction de la gauche du cliché, émerge tel un génie de sa lampe d’une seconde fumée de cigarette. Il converse avec la jeune femme à gauche. Leonard Bernstein dépeint ici, est un célèbre compositeur, chef d’orchestre, et pianiste.

Le dernier plan n’a d’intérêt que de finir de nous décrire le lieu comme un espace intérieur.
La richesse de la composition, le mouvement provoqué par la diversité des positions et des corps, ainsi que des regards offrent une lecture complexe et à multiple détails . Pareillement, le soin accordé à l’atmosphère, aux visages, aux expressions signent la beauté du travail du futur cinéaste. Par n’importe quel biais cet artiste raconte une histoire. Stanley Kubrick a des choses à dire, sensiblement, les yeux grands ouverts.

Charlotte Fleytout

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