[ANALYSE] Le Rêve, Henri Rousseau

Le début du XXème siècle marque un tournant important pour l’avenir des pratiques artistiques. Ces époques virent naître des artistes majeurs tel que Braque et Picasso, pour ne citer qu’eux. Initiateurs du mouvement Cubiste, ils développèrent de nouvelles théories sur la perception du monde, abolirent les médiums conventionnels et lancèrent une suite de mouvements en iste appelée Avant-garde. Toutefois, envisager l’histoire de l’art uniquement sous ce prisme du renouvellement intempestif ne permet pas de mesurer l’ampleur des travaux artistiques.

A la fin du XIXème siècle, un courant qualifié de naïf (environ 1885-1930) prit forme, notamment autour de la figure d’Henri Rousseau. Né en 1844, il montra son talent pour les arts durant toute sa scolarité et remporta des prix pour sa musique. Malgré ses capacités, ses parents ne purent lui payer une école. Autodidacte, il appris à dessiner et à peindre, puis consolida ses connaissances à l’aide de professeurs talentueux.

Afin de comprendre l’étendue de son art, arrêtons nous sur l’une de ses dernières compositions, Le Rêve (1910), petit concentré de ses motifs.

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Henri Rousseau, Le Rêve, 1910. huile sur toi, 204,5cmx299cm. MoMA, New York

L’Éden retrouvé

Étrangement, l’aspect qui peut sauter aux yeux est l’omniprésence du vert, malgré les nombreux détails parsemant la peinture. Habituellement, Rousseau commençait toujours ses toiles par ce pigment. Il y en a d’ailleurs plus de cinquante nuances ici : le déclinant dans toutes ses tonalités, allant de la plus lumineuse à la plus foncée, Le Rêve montre un subtil camaïeu ! Par ailleurs, si nous nous penchons de plus près sur la valeur des couleurs de cette peinture, nous nous rendons compte que l’artiste a utilisé principalement une seule partie du cercle chromatique : le vert et le bleu. Et afin de mettre en évidence certains détails, Rousseau utilisa leurs complémentaires (les couleurs opposées dans le gamme chromatique), comme pour le serpent orange dans les hautes herbes, ou encore les fruits dans l’arbre.

 

Si ces procédés plastiques semblent anodins, ils offrent pourtant à la toile une harmonie parfaite et agréable aux yeux du spectateur.

Sa manière de peindre est donc très ordonnée et importante à souligner : l’artiste Ardengo Sofici (1879-1964) eu l’occasion de le voir à l’œuvre dans son atelier et en décrivit tous les procédés dans un article de 1910. On y apprend que Rousseau commençait toujours par réaliser le haut du tableau et n’utilisait qu’une seule couleur à la fois. couleur-reve-rousseauCe dernier aspect explique sans doute pourquoi les pigments peuvent paraître si tranchés à certains endroits, conférant à la sa création finale un aspect très fini, presque figé même. La perspective ou la simple profondeur de champ, sont inexistantes.

Le charme envoûtant du rêve

Si la faune et la flore constitue le décor, l’humain est pourtant bien présent. Tout d’abord, la femme nue à notre gauche : allongée sur un sofa, elle regarde à droite, tendant la main. femme-lereve-rousseauCertains ont vu dans ce personnage une allusion au dernier amour de la vie du peintre, malheureusement non partagé. Le Rêve suggérerait alors le trouble émotionnel dans lequel Rousseau était plongé durant ses derniers jours (il décède le 2 décembre 1910). Toutefois rien ne permet d’identifier cette femme puisque nous ne connaissons pas la source de son inspiration. Dans un poème joint à sa toile, l’artiste parle pourtant d’elle :

Yadwigha dans un beau rêve/s’étant endormie doucement/entendait les sons d’une musette/dont jouait un charmeur bien pensant./Pendant que la lune reflète/Sur les fleurs, les arbres verdoyants,/Les fauves serpents prêtent l‘oreille/Aux airs gais de l’instrument.

Henri Rousseau, 1910

La mise en valeur de Yadwigha est la même que celle de la nature : les contours sontmusicien-lereve-rousseau renforcés par un liseré lumineux. L’aplat bordeaux du sofa détache le corps rosé de la verdure, jouant du fort contraste entre le clair et l’obscure.

L’autre personne présente dans ce tableau est le joueur de musette, transportant la jeune femme dans ce rêve. Tel un charmeur de serpent, il envoûte son public et anime les végétaux, endossant le rôle de Morphée.

Le Rêve de Rousseau montre un retour évident à la nature. Dans la clarté éclatante d’une nuit de pleine lune, l’artiste nous conte une histoire onirique. La jeune femme s’étant assoupie sur son sofa, elle est transportée dans un univers charmeur, probablement bien loin de son quotidien. Telle une Ève installée sous l’arbre du péché, Yadwigha semble retrouver son paradis perdu.

Alicia Martins

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