Le XXIe siècle devait être celui de la paix. Après avoir traversé l’horreur des guerres qui a rythmé tout le siècle précédent, l’humanité devait entrer dans des périodes plus clémentes, chaleureuses et paisibles. Il semblerait pourtant qu’on se soit trompés.
L’année 2016 n’a pas été toujours positive, et 2017 ne s’annonce pas meilleure. Donald Trump, élu président d’une des puissances mondiales régissant les marchés, les guerres, la culture, tend vers ce qu’il y a de plus sombre en nous. Il nous rappelle les bassesses de l’homme, son avidité de pouvoir, de richesse. Il nous fait peur et en joue. Installé dans le fauteuil du bureau ovale, il se sent grand et semble omettre les foules dehors, scandant leurs désaccords.
Alors qu’aujourd’hui Donald Trump et les gouvernements d’autres pays ciblent des populations, il fut un temps où l’accueil était plus ouvert. Durant les Guerres Mondiales, qui ont frappé l’Europe et ont fait fuir des populations entières, les artistes se sont réfugiés à New York, Chicago, en Caroline du Nord, etc. Mais loin d’être restés passifs et d’attendre que les guerres se terminent, ils ont continué à créer. Parmi eux André Breton, Marcel Duchamp, Francis Picabia, Marc Chagall et d’autres. Dans ces villes, le mélange culturel était fort. Des artistes de diverses origines et nationalités se sont rencontrés, influencés et ont inventé de nouvelles formes artistiques.
Aujourd’hui, le constat est beaucoup plus amer. Des artistes comme le réalisateur iranien Asghar Farhadi, ne peuvent techniquement plus entrer aux USA. Le #Muslimban percute nos écrans avec force : ce rejet des individus est indigne, violent et aberrant. Il nous semble aussi dangereux. Mais heureusement, il y a de fortes mobilisations :
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Ce qui nous rassure, nous qui écrivons ce billet d’humeur, c’est que les artistes aussi se mobilisent. Dès l’investiture de Donald Trump le 20 janvier, le monde culturel américain s’est mis en grève générale, sous l’appellation #J20 Art Strike. Les Institutions, les musées, les galeries, les salles de concert sont restés fermés pour protester contre la “normalisation du trumpisme”. Un de leurs slogans était “Hit The Streets. Bring Your Friends. Fight Back” (Allez dans la rue. Ramenez vos amis. Battez-vous en retour). La dernière fois qu’une telle mobilisation a résonné était en 1970, contre Nixon qui voulait étendre la guerre du Vietnam au Cambodge. Et le plus fou, c’est que les slogans revendiquaient les mêmes choses : “New York Artists’ Strike against Racism, Sexism, Repression and War” (La grève des artistes new-yorkais contre le racisme, le sexisme, la répression et la guerre).

JR, artiste connu pour ses projets à caractère social, a proposé aux gens de participer à la Women’s March du 21 janvier, en lui envoyant des portraits (Inside out project). De cette manière, chacun pouvait se joindre à la manifestation.

La mobilisation est donc remarquable et de toutes sortes. L’acteur Shia LaBeouf, accompagné de deux artistes finlandais et britannique, a proposé au Musée de l’image animée à New York un happening qui durera 4 ans. Le site http://www.hewillnotdivide.us/ diffusera en permanence les images enregistrées par une caméra installée sur la façade du bâtiment. Intitulé “He will not divide us” (Il ne nous divisera pas), le dispositif encourage ceux qui le souhaitent à venir prononcer ce mantra face à la caméra. De cette manière, ce projet utilise les mêmes armes médiatiques que celles de Donald Trump.
Comme on l’a évoqué, des artistes se sont installés aux Etats-Unis et ont même parfois été naturalisés américains. L’un des plus connus est Christo, qui a travaillé à de nombreuses reprises sur ce sol, avant et après y avoir migré. Mais aujourd’hui, il ne se reconnaît plus dans la personne du chef d’état, et a décidé d’arrêter ses installations sur le territoire américain, “pour ne plus faire de projet au bénéfice de son propriétaire” (Christo).

Cette situation nous laisse fortement perplexes. Voir les Etats-Unis sombrer aussi bêtement ne permet pas d’entrevoir que du bon. Mais les multiples mobilisations artistiques et populaires redonnent un souffle humain aux valeurs de liberté et d’égalité qui devraient être au cœur de nos préoccupations.