Je me suis récemment penchée sur l’art des années 1970 : minimalisme, Arte Povera, mais aussi art féministe au travers d’artistes comme Judy Chicago et Hannah Wilke, qui m’ont particulièrement intéressée. Quelques jours après que la Women’s March ait attiré plus de deux millions de participants, leurs travaux semblent d’autant plus essentiels

Le corps de la femme
Ce que ce mouvement examine est la perception du corps de la femme dans nos sociétés, notamment dans les médias. Très présent dans notre quotidien, il est souvent « parfait » comme on en voit dans les publicités mais aussi, dans l’art. Il arrive que la femme y soit utilisée comme un motif artistique, comme chez de Gustav Klimt.
Dans la grande période de l’art féministe, il est apparu que les femmes étaient le plus souvent représentées par des artistes de sexe masculin : dans les années 1980, les Guerrilla Girls ont effectivement constaté et démontré qu’il n’existait que 5% d’artistes femmes exposées au Met Museum à New York, alors que 85% des œuvres exposées montraient des nus féminins. Pour elles, le corps de la femme ne leur appartenait plus, enfermés par un capitalisme qui le déformait et le manipulait. De ce point de vue, on pourrait dire que cette représentation était un reflet de la société de l’époque elle-même.
Les femmes sont artistes !
En 1972 à New York, la galerie A.I.R a été fondée. C’était le premier lieu d’exposition professionnel pour les artistes femmes de la ville. C’était (et c’est toujours) un lieu fait pour montrer les travaux des artistes femmes comme à l’époque Judy Chicago, Faith Wilding, Mariam Shiparo et d’autres.

Ces artistes, majoritairement féministes, utilisaient l’art comme un moyen de réclamer leurs droits sur leurs corps. Il s’agissait aussi d’une mode d’expression sur tous les sujets touchant la société. Mais leurs travaux ont-t-il aidé la femme à faire progresser son statut social ? Et quelle a été la contribution de ces créations à l’art en général ?

Je l’ai souligné, l’art féministe des années 70 se concentrait notamment sur les problèmes de la femme dans la société. D’un point de vue esthétique, cela pourrait être considéré comme problématique. Selon le philosophe Jacques Rancière, il existe trois régimes dans l’art. L’un d’eux est le régime mimétique, qui a été laissé en marge à partir du début du XXe siècle, à l’arrivée de l’art abstrait d’avantage esthétique. Ce régime d’art veut montrer des éléments qu’on voit et connait déjà. Cependant, il semblerait vouloir revenir aujourd’hui : des artistes connus comme Ai Weiwei ou Bansky, engagés politiquement, cherchent à montrer les symboles et les stigmates de la domination.
On pourrait estimer que l’art féministe fait partie de ce même régime mimétique : comme chez Banksy, il ne recherche pas forcément l’esthétique, rappelant au regardeur des faits existants. Et suivant cette logique, je crois que cela n’apporte finalement pas l’effet recherché par les artistes, même si leur art est souvent politique. Tous les choix esthétiques faits par les artistes font que l’oeuvre porte des idées dans une certaine mesure. C’est particulièrement le cas avec des artistes comme Mary Martin ou Sonia Delaunay. En créant des œuvres esthétiquement uniques et novatrices, elles se sont hissées sur un pied d’égalité avec leurs contemporains. Malheureusement, j’ai remarqué qu’on les évoquait peu… Il semble donc que ce soit un cercle vicieux.
Agnès Tedman