Le couple ténébreux que forment Éros et Thanatos a inspiré plus d’un artiste et a donné naissance à des œuvres et à des personnages célèbres. Personnages de la mythologie grecque, Thanatos dont on taisait le nom en Grèce antique par superstition, est la mort en personne. De l’autre côté Éros est le dieu de l’amour.
Deux entités, deux symboles diamétralement opposés, mais néanmoins très vite rapprochés par des penseurs tels que Platon, puis Friedrich Nietzsche, ou encore Sigmund Freud. Ils sont l’allégorie de l’amour passionnel, d’un amour total et absolu, à l’intérieur duquel chaque individu n’est plus une créature unique. Ne faisant plus qu’un, ne vivant que par et pour l’autre, s’ensuit une perte d’identité menant irrémédiablement à la mort. Éros et Thanatos sont les deux pièces parfaitement antinomiques d’un puzzle. Une fois couplés, leur association est tellement idéale que la fracture est invisible.
Entre mythe et réalité
Ce mythe fait écho dans notre boîte à « sensibles » à de trop nombreuses et hétéroclites œuvres et personnages pour tous les rencontrer ici (Yseult et Tristan, Héloïse et Abélard, Guenièvre et Lancelot, Laura et Pétrarque, Béatrice et Dante Alighieri, Roméo et Juliette, et même Narcisse …). Alors sélectionnons l’oeuvre Les ombres de Francesca da Rimini et de Paolo Malatesta apparaissent à Dante et à Virgile d’Ary Scheffer. Il s’agit d’une importante peinture de 1855.

Le peintre Ary Scheffer est né à Dordrecht (Pays-Bas) le 10 février 1795. Il meurt le 15 juin 1858 à Argenteuil (France). Il est un artiste de renom que l’on classe souvent parmi les virtuoses du romantisme. Egalement considéré comme un excellent portraitiste, l’abondance de ses œuvres témoigne néanmoins de la richesse des genres picturaux embrassés par le peintre.
Le tableau ci-dessus a été réalisé à la fin de sa vie. Au premier plan, couvrant la majeure partie de la scène, se déployant sur la diagonale droite gauche de la toile, Franscesca da Rimini et Paolo Malatesta nous hantent tels des spectres, ou des « ombres » pour reprendre les termes de Scheffer. Selon la légende, qui est toutefois inspirée par des individus réels, Franscesca da Rimini est promise à Gianciotto Malatesta, par intérêts politiques comme il en était coutume en Italie à cette époque. D’une union forcée découle rarement de l’amour. Francesca est découverte enlacée avec son amant Paolo Malatesta, qui se trouve être également le frère de son époux. Fou de rage, Gianciotto tue sa femme et son frère dans leur étreinte.
Cette scène est tirée de la Divine Comédie de Dante Alighieri :
5.97 Sur la marine où descend et s’apaise
5.98 le Po suivi d’un large train de fleuves
5.99 est assise la ville où je fus née ;5.100 Amour qui tôt s’enflamme en gentil cœur
5.101 éprit cestui des beautés qui me furent
5.102 arrachées ; et sa force encor me blesse.5.103 Amour qui onque à l’aimé ne fait grâce
5.104 d’aimer aussi, aux plaisances de lui
5.105 me prit si fort qu’encore n’en suis quitte.5.106 Amour nous conduisit à même mort :
5.107 Caïne attend celui qui nous meurtrit »
5.108 Ce dit la voix qui pour les deux parlait.5.109 Quand j’eus ouï ces âmes offensées,
5.110 tant longuement restai-je le front bas
5.111 qu’enfin mon maître dit : « Que songes-tu ? »5.112 Quand me revint la voix : « Las ! » murmurai-je,
5.113 « combien de doux pensers, quel haut désir
5.114 mena ceux-ci au douloureux trépas ! »Enfer, Chant V, vers 88-142, pp. 910-913, Editions Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, 1965.
L’influence sur ses contemporains
Le tandem exalte bon nombre d’artistes. Parmi les peintres, et de façon exhaustive citons : Jean Auguste Dominique Ingres, William Dyce, Gustave Doré, Alexandre Cabanel, Mosè Bianchi, Henri Martin ou encore Gaetano Previati.
Remarquez l’emprunt certain du peintre Mosè Bianchi à Scheffer dans la composition de son oeuvre.

Ce qui est remarquable chez Scheffer, c’est l’éclat des corps des deux défunts. Fréquemment dépeints de leur vivant, ici c’est morts, au moment de leur passage dans l’au-delà que l’artiste a souhaité placer la scène. Les deux êtres lévitent pour rejoindre non pas le paradis, mais bien l’enfer terrible d’Henri Martin.


Dante et Virgile, deuxième couple de la scène, les observent dans leur voyage. Scheffer fait référence à la Divine Comédie. Leur présence est discrète, ils sont placés à l’arrière plan, sur la droite du tableau. Constamment dépeints ensemble, Dante et Virgile traversent le temps et les différents épisodes de la Divine Comédie. Personnages omniscients, ils évoluent dans l’histoire sans que personne ne leurs prête attention. Cependant, l’accent est explicitement mis sur les amoureux ardents. Paolo et Francesca sont nus et enveloppés d’un voile blanc, métaphore de la couche, et ainsi de l’adultère. Il faut noter l’incroyable jeu d’entrelacs des corps, et des drapés. Tout ceci est souligné par un mouvement de bas en haut. Un tourbillon d’air les soulève et accentue la sensation de légèreté de l’ensemble. Ces tissus rappellent aussi le drame qu’est ce meurtre, ils sont également des linceuls qui recueillent les dépouilles.

Pour refermer cette histoire d’un point de vue Freudien, Francesca a un amour démesuré qui mène jusqu’à la mort, Éros et Thanatos. Même défunte, elle s’accroche au cou de Paolo, et a la tête tourné dans sa direction. Elle semble accepter son sort tant qu’elle peut être auprès de lui, tandis que Paolo souffre de ce dénouement. Il a la tête caché derrière son bras, le visage crispé, son buste en arrière. Le jeune homme paraît vouloir stopper cette ascension, se défaire de son Éros, mais il est trop tard.
[…] von Ary Scheffer wird gemeinhin als Éros et Thanatos zitiert. Wahrscheinlich, weil der Bildtitel Les ombres de Francesca da Rimini et de Paolo Malatesta apparaissent à Dante et à Virgile etwas lang ist. Sir John Henry von Schroder hat eine Version des Bildes seiner Heimatstadt […]
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[…] von Ary Scheffer wird gemeinhin als Éros et Thanatos zitiert. Wahrscheinlich, weil der Bildtitel Les ombres de Francesca da Rimini et de Paolo Malatesta apparaissent à Dante et à Virgile etwas lang ist. Sir John Henry von Schroder hat eine Version des Bildes seiner Heimatstadt […]
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