Les motifs religieux dans l’art : le christianisme

Le Christianisme interroge depuis ses origines la possibilité d’une figuration de ses virtuoses, tels les prophètes et les personnages emblématiques de la bible. Il n’a pas toujours été hermétique à rendre visible les saints, mais pas nécessairement pour des raisons de sécularisation. A contrario les contextes sociaux n’ont pas toujours été favorables à représenter les images religieuses, notamment sous l’autorité du magistère romain. Entre transgression et demande bourgeoise ou ecclésiastique, les artistes n’ont pas eu le loisir de se substituer aux représentations habituellement acceptées par l’Eglise, et ça, de tout temps.

Les sujets religieux inspirent les artistes

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Le Christ jaune, Paul Gauguin, 1889, huile sur toile Source : Buffalo, Albright-Knox Art Gallery (Scala)

Et la lumière fut…Gauguin et son Christ jaune en 1889, provincial et d’une grande simplicité. Nous avons vu dans une petite chapelle bretonne des paysannes regardant le Christ. Ce côté rustique et d’une liberté plastique étonnante nous a enchanté. Nous sommes devenus iconophiles et nous constations enfin la possibilité d’une figuration des personnages de la bible. Nous n’étions  plus hermétiques à la beauté du Christ, Gauguin nous a ouvert les yeux à travers son impertinence chromatique. En mettant l’accent sur le culte du corps du Christ, l’Eglise, pendant le Moyen-Age, a permis aux scènes de la Passion de devenir plus réalistes que jamais. Le peintre se permettra de représenter le Christ non sans une certaine provocation, et d’ailleurs de dire : « J’ai tenté de défendre le droit à l’audace. » (Gauguin).   

Et Monet peignit…La Cathédrale de Rouen, harmonie de bleu et or, et La Cathédrale de Rouen, plein soleil, en 1894. Le réalisme et les empâtements très denses de cette représentation nous ont montré les beautés architecturales de l’art gothique. Ainsi le Christianisme nous offre des magnificences qui dépassent le clivage iconophile/iconophobe. Les lumières de la Normandie ont permis à Monet de développer une sensibilité particulière à la lumière et un regard exigeant sur des thèmes de la vie quotidienne. Cela nous interroge sur la place des lieux de culte qui, finalement, sont entrés dans notre esprit comme des images habituelles faisant partie de notre vie. Peu importe les croyances, l’art permet justement de « tracer » une ligne directrice, esthétique et sociale, qui nous donne des clés de compréhension à l’épaisseur historique des religions. L’art est certes plus ancien que les religions, mais les recherches d’une sensibilité et des profondeurs de l’âme sont des points communs qu’ils partagent volontiers.

Et du blasphème à la profession de foi vint…Arnulf Rainer et son «The Overpainting of Christ », littéralement « Le Pinceau du Christ ».

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Arnulf Rainer, « The Overpainting of Christ » (Christusübermalung), 1984, Chazen Museum of Art, Madison, Wisconsin.

Entre provocation, transgression et hommage au Christianisme, Rainer peintre viennois né en 1929, activiste autrichien des années 60 devenu docteur honoris causa à la faculté catholique de Münster en 2004, nous interroge. Le parcours est troublant de paradoxes et d’ambiguïtés mais il définit bien ce que sont les rapports et le dialogue qu’entretiennent la religion et l’art. C’est une histoire d’amitié amoureuse qui finit (parfois) bien où s’exprime le « je t’aime, moi non plus ! ». C’est un artiste qui a voulu prendre ses distances avec le Christianisme derrière un flux de ratures peintes avec beaucoup d’énergie et respirant la désobéissance ecclésiastique. Nommer les choses c’est parfois les trahir ; à partir d’icônes célèbres Rainer détourne le sens premier pour faire rejaillir, selon lui, ce qui est tu. Non sans une pointe de cynisme, il ne cache jamais totalement les visages saints qu’il rature, signe d’un respect aux virtuoses de la Bible. Dans « The Overpainting of Christ », il transcende le corps du Christ, culte chrétien par excellence, pour ne laisser apparaître que le visage sur une photographie en noir et blanc, et là on comprend que le pinceau du prophète ne laisserait peut-être qu’apparaître la souffrance de son faciès.

Et le dialogue se fit…se fait…et se fera…avec beaucoup de passion (celle du Christ pour certain),  de raison (celle de la représentation pour d’autre) et  sera un beau pied de nez à la violence de l’Histoire. Et se faisant sera l’apaisement entre l’impertinence des créations artistiques modernes et les apôtres de l’esthétique chrétienne…

Olivier Muller-Benouaddah

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