Vous vous êtes à coup sûr rendu à la 17ème Biennale de la Danse de Lyon cette année. Avant même de pouvoir profiter du spectacle, des artistes qui s’expriment en musique, vous avez très probablement butté sur des corps dénudés, des corps fous. Il s’agissait des affiches de la biennale, d’immenses photographies dispersées dans la ville. Un homme qui nu bondit bras ouverts sur le paysage à travers champs. Ou cette femme capturée en plongée, chutant seule dans l’immensité d’un ciel bleu uni. Libres ! Ces derniers sont la propriété du jeune et prometteur photographe contemporain Ryan Macginley.

Ce n’est pas la première fois que la ville de Lyon fait appel à cet artiste, il est déjà à l’origine en 2014 des affiches annonçant le Festival des Nuits de Fourvière.

Né le 17 octobre 1977 dans le New Jersey, il est le petit dernier d’une famille nombreuse. En 1995 à 18 ans, il entame des études de graphisme à Parsons School of Design à New York. Etudiant, il s’intéresse rapidement au médium photographique. Ses premiers clichés sont ceux d’un Polaroïd. A la manière d’un jeu, il fige des instants de vie, ses amis, et leurs jeunesses. A l’occasion de sa première exposition à Soho en 2000, Ryan Macginley vend et envoie de nombreux exemplaires de son livre Kids are alright, notamment à des artistes qu’il admire. Un de ces exemplaires atterrit entre les mains du commissaire d’exposition Sylvia Wolf qui décèle l’énorme potentiel des photographies de Ryan Macginley. Ainsi est organisée en 2003 l’exposition The kids are alright, au Whitney Museum of American Art, entièrement dédié au jeune artiste. Suivront à propos de son travail des critiques extrêmement positives, et l’obtention en 2007 du Prix jeune photographe Infinity Award, par le Centre international de la photographie de New York.
Les photographies de Ryan Macginley traduisent une liberté et une fougue toutes juvéniles. Après avoir pris pour modèle des amis, des rencontres, il partira en virée avec de jeunes mannequins afin de réaliser de nouveaux clichés.

Roller Coley est l’une de ces photographies. On y voit un jeune homme nu sur des rollers. Les jambes légèrement pliées, le buste en avant, le dos rond, se propulsant d’un mouvement bras gauche, jambe droite, il est stoppé net dans son élan par cette photographie. Les œuvres de l’artiste ne sont presque jamais statiques. Le rendu du mouvement, et probablement la part d’inconnu, de surprise que cela engendre intéresse Macginley. Les photographies semblent naître de ce mouvement. Ryan Macginley flaire l’inattendu, et révèle ce qui est caché, ou ce que l’on entrevoit sans l’aide de la machine, pris dans la vitesse.
Coley fonce sur l’objectif, il dévie sur notre gauche, juste de quoi ne pas nous heurter. C’est le corps d’une personne jeune, vivante s’amusant à patiner sur ce qui pourrait être du parquet.
Nous ne le savons pas vraiment car la vitesse engendre le flou, qui cela va sans dire est désiré par l’artiste. Le corps du modèle flotte, analogiquement aux affiches de la biennale dont nous avons discuté précédemment. Néanmoins nous sommes ici dans une brume aux tonalités chaudes, produisant un dégradé du haut vers le bas, du plus lumineux au plus sombre. Un coup de projecteur est dirigé sur ce corps, qui nous l’avons compris doit être le point d’exergue de la photographie, et globalement de l’Oeuvre de l’artiste.
Si l’on pousse l’analyse un peu plus loin, il point que notre vision est finalement attirée par le visage du personnage, par son regard. Il nous voit le regardant. Dernier oeil jeté avant de nous contourner ? Ce qui est manifeste, est que son visage reste la partie la plus nette de l’ensemble du cliché. L’expression du modèle oscille entre la simple constatation de notre présence, et l’étonnement. En découle le sentiment d’une intrusion du spectateur. Est-ce dû à ce regard, ou à la nudité de l’individu ?

D’ailleurs, parlons-en de cette nudité. Elle permet d’une part d’identifier non le sexe, mais l’âge du modèle, donc de nous parler de la jeunesse, et surtout de ce sentiment de liberté. Ryan McGinley dresse le portrait d’une jeunesse américaine exaltée, sans s’encombrer de trop de détails matériels. L’objectif étant de ne pas perdre de vue le sujet. De plus, la nudité insiste sur la pureté, le naturel de ces jeunes gens.

Ryan Macginley capture l’ivresse, la véhémence, et l’insouciance. Happé par la vitesse de notre société, face à de vastes paysages ouverts et bienveillants, rien n’arrête ses personnages. A moins que cela ne soit le mortifère exercice de la photographie, nous laissant nostalgiques. L’artiste scelle la beauté de ces corps dans un temps déjà révolu.