La propagande de guerre par l’affiche durant la Grande Guerre

Le 11 novembre 1918, la signature de l’armistice met fin à quatre longues années de combat. Au début de la Première Guerre mondiale, personne ne pense que le conflit durera si longtemps. Les ressources s’épuisent progressivement. Les dirigeants doivent trouver des solutions rapides. Un discours est mis en place pour inciter la population à l’enrôlement, à l’emprunt, à la charité et à la mobilisation. L’affiche publicitaire est détournée en affiche de propagande de guerre.

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Roger Fenton, Photographies d’affiches à Londres, ~1850.

Mise en page d’une affiche :

Dans l’affiche, les textes privilégient des codes de lecture évidents à comprendre pour tous. Selon leur importance, les mots sont inscrits en plus ou moins gros caractères et les typographies changent pour mieux attirer le regard. Proches du slogan, les textes montrent une hiérarchisation des éléments du message. L’essentiel de l’information est transmis par le biais d’un jeu visuel percutant, efficace et décryptable d’un simple coup d’œil. La présence de l’image accentue ces procédés. Au XXe siècle, la multiplication en séries est possible grâce aux procédés d’impression et de lithographie. Les affiches sont placardées dans les rues des pays belligérants et permettent une diffusion massive et rapide d’informations.

En Grande-Bretagne, il n’existait aucun système de conscription jusqu’en janvier 1916. Les affiches britanniques ont donc été utilisées pour favoriser les recrutements volontaires. Dans l’affiche d’Alfred Leete, le message est clair. Le premier terme, « Britons », est écrit en lettres majuscules, en gras et rouge. Il s’agit d’un message qui s’adresse aux britanniques. La figure de Lord Kitchener arrive ensuite, reconnaissable au centre de l’image par ses moustaches significatives et sa casquette d’officier général de guerre. L’homme pointe du doigt le passant pour l’interpeller. Le personnage est représenté juste avant les mots « wants you », expressément entourés de guillemets, ce qui laisse comprendre au passant que le ministre de la guerre s’adresse directement à lui et lui demande de se battre pour son pays. Aux Etats-Unis, James Montgomery Flagg utilise les mêmes procédés de propagande lors de l’appel aux volontaires de 1917.

Le patriotisme, une famille de guerre :

Si la plupart des hommes en âge de travailler sont envoyés au front, les femmes qui restent à l’arrière ne sont pas moins importantes. Dans les pays concernés, une économie de guerre est instaurée pour alimenter le front et ravitailler soldats et civils. La main d’œuvre est alors essentiellement féminine. Participant à part entière à l’effort de guerre, l’image de la femme séduisante et aguicheuse que l’on voyait dans la publicité incitative est alors remplacée par les représentations d’épouses fidèles et de mères rassurantes. Ces figures apportent un soutien moral aux soldats et incite les civils à s’engager. Il s’agit de mobiliser toute la famille et ainsi, la société entière.

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Affiche française d’Abel Faivre, 1916. © ADAGP, Paris 1996

Les affiches de propagande de guerre emploient des codes visuels en lien avec la fraternité, le patriotisme et l’espoir. L’affiche d’Abel Faivre nous montre un soldat français qui s’écrie « On les aura ! ». Le personnage représente le peuple français, plein d’espoir et de motivation. Son fusil dans une main, il lève l’autre vers l’avant pour inciter au dynamisme et à l’action dans le combat pour la liberté. Cette affiche illustre le thème des « emprunts de la Défense nationale » (dits « Liberty Loan » en Grande-Bretagne et « Kriegsanleihe » en Allemagne) destinés à assurer le financement de la guerre.

La menace comme élément stylistique :

Toutefois, entre 1917 et 1918, l’ardeur patriotique s’essouffle. Les thèmes des messages restent les mêmes, mais les codes iconographiques évoluent pour s’orienter vers des visions d’horreur visant à insuffler le courage par la crainte. La figure de l’ennemi apparaît parfois pour matérialiser cette menace, la rendre plus réelle. Une affiche réalisée par Frederick Strothmann illustre ce propos. Le fond est divisé en deux parts inégales. Au bas de l’affiche, un bleu ponctué d’ondes jaunes rappelle le mouvement de l’océan qui sépare les Etats-Unis des lieux du conflit. Sur la partie supérieure se trouve un jaune qui évoque la terre et le feu des combats. Sur ce fond jaune se détache un soldat, dont la présence s’impose et crée une gêne. Son casque à pointe nous permet de l’identifier comme un soldat allemand. Son regard est sombre, son visage est figé, inexpressif. Il fixe le passant d’un air menaçant. Ses mains sont ensanglantées, tout comme l’arme qu’il tient d’une main. Cette image terrifiante est accompagnée d’un slogan visant à inciter au prêt populaire afin d’aider l’État américain à écraser la menace allemande.

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Affiche américaine de Frederick Strothmann, vers 1918.
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Affiche française de Falter, 1918.

Vers la fin de la guerre, la perspective d’une victoire proche devient récurrente et une radicalisation s’opère. Les slogans évoquent le « suprême effort » pour « la fin de la guerre ».

La confrontation entre les différentes nations est exprimée par une variété de spécificités typographiques et par des choix iconographiques précis. Dans l’affiche de Falter, le poilu est montré en train d’étrangler l’aigle dont le casque est tombé à terre.

La propagande qui se met en place au cours de la Grande Guerre doit être comprise comme un moyen de renforcer la cohésion militante de la population. L’affichage a été profondément transformé par les nécessités nées de la durée de ce conflit international. Progressivement, les bases d’un langage iconographique militant sont inventées et utilisées pour la propagande de guerre. Les bouleversements politiques et économiques internationaux du XXe siècle favorisent une extension croissante de ces pratiques qui se développent plus encore après la Première Guerre mondiale.


Toutes les images de cet article sont issues de l’ouvrage de Laurent Gervereau, Terroriser, manipuler, convaincre, Histoire mondiale de l’affiche politique, Paris, 1996. (© Somogy éditions d’art) L’auteur ne précise pas les droits d’auteurs pour chaque document iconographique. Nous invitons les personnes concernées à nous contacter.

Amandine Candel

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