[ANALYSE] Eduardo Kobra, les couleurs de l’humanité

En ce mois de septembre, après avoir écoulé tous les stocks des vendeurs de bombes de peinture, lartiste Street Art Eduardo Kobra a fini sa gigantesque fresque. A lheure des J.O de Rio, fantastique vitrine au travail de lartiste brésilien, Eduardo Kobra remporte la médaille de la fresque la plus importante au monde. Cette oeuvre emblématiquement appelée Etnias (Ethnies en français) souvre sur presque 3 000 mètres carrés de surface, magnifiant le nouvellement boulevard Olympique du quartier portuaire rénové pour loccasion. La performance est rapidement mise en exergue par les médias, peut-être au détriment du contenu de loeuvre, vous laissant imaginer le labeur de lartiste et de son équipe, et les litres de médium écoulés.    

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Eduardo Kobra, Etnias. 3 000 mètres carrés de surface

Pour celles et ceux qui ne le connaissent pas encore, Eduardo Kobra est né dans la banlieue de Sao Paulo en 1976. Peu investi à l’école, le regard perdu au-delà de la fenêtre de la salle de classe, il déplorera le manque douverture à la culture apporté aux jeunes de son quartier. Ainsi, dès onze ans il passe ses journées à samuser dans la rue qui deviendra le théâtre de son expression artistique. En 1991, Eduardo Kobra danse dans un groupe de Break Dance réputé de Sao Paulo, et sintéresse de plus en plus aux mouvements artistiques streets. Il commence naturellement à taguer les murs, passant au dessus des lois grâce à son jeune âge. Ses études dans le marché bancaire le mènent à des postes qui ne lui plaisent pas. Eduardo Kobra sent quil doit sinvestir pleinement dans son art, et se donner les moyens de la création. Pour ce faire en 1995 il crée le Studio Kobra. Cet immense pas en avant lui permet une recherche poussée des techniques de peinture en lien avec lenvironnement qui lintéresse, la rue. Il confectionne désormais des patrons avant de réaliser ses fresques à lextérieur. Kobra a le souci du détail, il recherche un rendu hyper-réaliste. Travaillant au départ énormément en noir et blanc, le muraliste se tourne brusquement vers des représentations colorées, et quelles couleurs !

Etnias est la manifestation de cette explosion de couleurs carnavalesques qui caractérise désormais le style de Kobra. La fresque record est constituée de différents visages en portraits serrés. La représentation de tribus du monde, les Mursis dEthiopie, les Karens de Thailande, les Tapajos du Brésil, les Samis dEurope et les Huli de Papouasie Nouvelle Guinée. Une allégorie des anneaux des J.O pour lartiste, et éminemment un message de paix, de solidarité entre les peuples. Autant lartiste Street Art a souvent proposé des portraits de personnalités célèbres, autant ici il est question dinconnus, de lui, delle, de vous. Un caractère anonyme souhaité pour recueillir lhumanité dans cette fresque. Cette oeuvre, et généralement le travail de Kobra militent contre linjustice, et les inégalités. Une manière de redonner leurs places aux absents, de faire éclater la beauté multiculturelle. Lartiste dépeint des individus à la personnalité forte, des visages sur lesquels on peut lire des souvenirs, des expressions puissantes, des regards profonds et pénétrants qui vous invitent dans un ailleurs. Cest par cette obsession du réalisme, par la rigueur dans les détails que lartiste parvient à rentrer en contact avec le passant. Et ceci est sans compter sur la force du format qui sabat sur vous comme une vague sur le rivage, et vous happe presque malgré vous. Des personnages en habits traditionnels, fixant les visiteurs de face ou tournés de trois quart, fières comme un athlète de ses origines et de ses couleurs.

Effectivement, le noir na que peu de place dans ce dialogue, la couleur émerge de toutes parts remplissant des formes géométriques, kaléidoscopiques. Un usage outrancier qui souligne lintensité des expressions à la manière du Body Art, ou des peintures corporelles ethniques. Ce patchwork est également une liaison, un moyen de poursuivre sa lecture sans rupture, de prendre par la main le passant. Une forme dabstraction presque magique qui imagine une jonction entre les corps.

Eduardo Kobra signe une nouvelle oeuvre venant redistribuer le soleil du Brésil dans les rues de la métropole. Un message de fraternité et despoir pour un monde trop terne.  

Charlotte Fleytout

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