Si vous vivez dans une grande ville, vous avez forcément été amené à prendre le métro, au moins une fois. Comment réagiriez-vous si vous appreniez que vous avez été pris en photographie sans le savoir, durant ce moment plutôt banal et souvent solitaire ?

C’est précisément ce qu’a fait Walker Evans (1903-1975) pendant plusieurs mois à New York, entre 1938 et 1941.
Documenter le quotidien
C’est à lui qu’on attribue l’invention du « style documentaire » moderne en photographie. Vous l’aurez compris, c’est dans cette veine particulière que se trouve la série des Subway Portraits. Au premier abord, on peut se demander pourquoi Evans s’est intéressé à ce lieu, qui appartient pour nous au familier et à l’ordinaire. Mais c’est justement cet aspect qui a attiré notre photographe, habitué à réaliser des reportages documentaires commandés, sur des thématiques éloignées du quotidien. Evans estime que la photographie qui documente doit s’intéresser à la norme et à ce qui touche les masses, sans intention ni message politique.
En cela, il se trouve à contre-courant de ce que proposaient ses contemporains : durant les années 1920 à 1940, beaucoup de photographes tentaient de montrer la misère populaire et le monde ouvrier par le biais du document photographique. Il s’agissait de quelque chose de nouveau, mais de complètement orienté. Effectivement, on cherchait à émouvoir autant qu’à dénoncer, comme l’a par exemple fait Paul Strand en photographiant des gens qui vivaient dans la rue et dans la pauvreté (regardez par exemple ses New York Portraits de 1916 et 1917 ci-dessous). A l’inverse, Evans recherchait l’objectivité visuelle la plus totale, pour produire de véritables documents. Dans sa recherche de l’enregistrement du quotidien populaire, c’est logiquement vers les transports en commun qu’il s’est tourné.


Une série unique pour Evans
Si on apprécie cette série, c’est pour son originalité mais aussi parce qu’on sait que Walker Evans l’avait extrêmement à cœur : il s’agit d’une des seules qu’il ait produite sans commande. Elle révèle les volontés personnelles d’Evans, et son envie de photographier de la manière la plus mécanique possible, sans aucune interaction entre photographe et sujet. En effet, on sait tous que la présence d’un appareil photo transforme nécessairement notre comportement. Si on suit la pensée d’Evans, cela biaise totalement la portée du documentaire. Il a donc inventé et réalisé un dispositif lui permettant de photographier sans être vu : en cachant un appareil à l’intérieur de son manteau, Evans pouvait enregistrer une image en toute discrétion. Ce dispositif est finalement assez amusant, et Evans garde effectivement un souvenir drôle de ses excursions dans le métro !
Mais quel que soit le véritable statut de cette série, elle est pionnière dans l’histoire de la photographie, et exceptionnelle par sa qualité visuelle. Et il n’en reste pas moins amusant de se glisser dans la peau d’Evans et d’observer nous aussi ces voyageurs à leur insu !
Et pour finir, un petit clin d’oeil à un projet actuel qui répond totalement au travail de Walker Evans : De lignes en ligne, qui a réunit dans un ouvrage un ensemble de croquis faits dans le métro! (« De Lignes en Ligne, l’art discret du croquis de métro » aux éditions Eyrolles)

[…] Les expériences individuelles retranscrites dans son œuvre reposent sur des images muettes. Ainsi l’originalité de son œuvre, entre autre, se trouve dans la démonstration photographique d… Les références à un imaginaire spécifique reflètent un ensemble de significations […]
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[…] Les expériences individuelles retranscrites dans son œuvre reposent sur des images muettes. Ainsi l’originalité de son œuvre, entre autre, se trouve dans la démonstration photographique d… Les références à un imaginaire spécifique reflètent un ensemble de significations […]
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