On a tous entendu parler d’œuvres d’art confisquées, ou d’artistes exilés pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais saviez-vous que ce conflit a aussi inspiré des artistes bien des années après son issue ?
C’est le cas d’Edward Kienholz (1927-1994), un artiste américain reconnu pour son travail avec les matériaux de récupération. La thématique de la guerre l’a toujours intéressé, puisqu’une de ses installations les plus connues est le Portable War Memorial. Le travail de Kienholz est plus radical que celui de ses contemporains, car il dénonce la société et ses travers avec violence. A tel point qu’il lui a été interdit d’exposer dans certains lieux aux États-Unis dans les années 1960-1970 ! Il a donc commencé à travailler en Europe et notamment en Allemagne, où il était mieux accepté. C’est avec sa compagne, artiste elle aussi, qu’il a le plus créé. Ce sont surtout des objets dénichés dans les marchés aux puces qui ont inspiré le couple d’artistes, et leur ont permis de créer l’ensemble d’œuvre appelé l’Art Show.
Des objets témoinent de l’Histoire
Cet ensemble est constitué de différentes scénettes mettant en évidence des éléments difficiles à aborder de l’histoire allemande, en particulier concernant la période nazie. Toutes les œuvres sont faites d’objets récupérés, assemblés, modifiés. Ces objets sont choisis pour leur forte valeur symbolique, et détournés de leur usage originel. On compare souvent ce travail à ceux de Robert Rauschenberg et Kurt Schwitters, chez qui les objets utilisés appartiennent aussi au quotidien. Mais la particularité du couple Kienholz est de choisir des objets déjà porteurs de symboles. Ils ont une démarche proche celle de l’archéologue, puisqu’ils utilisent les objets du quotidien, pour comprendre une période et une population.
Dans l’Art Show, c’est l’assemblage The Volksempfängers Parade qui a attiré notre attention. Pour cette installation, ils ont été guidés par la découverte d’un objet en particulier : un poste de radio appelé « Volksempfänger ».

Littéralement, « Volksempfänger » se traduit par « récepteur du peuple ». Il s’agit d’un type de poste qui a été fabriqué en masse en 1933 à la demande de Goebbels, ministre de la propagande du régime nazi, pour être revendu à un coût fixe et très faible. Le but était que chaque allemand puisse entendre les discours nazis en direct, et être au courant de toutes les informations liées au régime. Ils sont écoulés en 2 jours. Il s’agit du seul véritable objet de propagande dont la réalisation ait été effectuée.
La radio comme symbole de la propagande
Les Kienholz les ont utilisés pour cette forte symbolique et histoire. Mais ils les ont détournés tout en leur laissant leur fonction d’origine : diffuser du son, mais également des idées. L’installation présente plusieurs postes de radio, qui peuvent être activés par une pédale placée par terre. Ils deviennent amusants et interactifs, car ils sont faits pour être utilisés par le public. Ils diffusent des opéras de Wagner, jouant selon les morceaux choisis avec la mythologie nazie. D’autres permettent aussi d’écouter des discours, prononcés par des hommes politiques en faveur de la libération de leurs peuples. Il y a donc une forme de jeux vis-à-vis de ces objets, de leur rôle originel, et de leur usage futur et actuel.

Mais ces postes ne sont pas les seuls objets à avoir intéressé le couple. On peut aussi voir présentées plusieurs planches à laver en métal, surmontées d’une croix bleue et blanche : il s’agit de la « croix d’honneur de la mère allemande ». Durant la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne avait besoin de soldats. Hitler a donc lancé en 1938 une campagne de valorisation de la maternité et institué cette croix, récompense pour honorer les mères de quatre enfants et plus. Dans cette installation, postes de radio et planches à laver symbolisent en fait les différents rôles joués par les hommes et les femmes au sein du IIIe Reich.

Le couple Kienholz a mis ici en évidence l’horreur de ce régime par le biais de simples objets appartenant au quotidien. Il y a une volonté de provoquer, par les musiques et les discours diffusés par les radios, et l’aspect ludique de leur présentation. L’œuvre interpelle le public afin de faire passer un message et un point de vue : à la visite, on est à la fois amusé et intéressé par l’aspect historique de l’installation. En définitive, pourquoi ne pas s’amuser de tout, si cela aide à ne pas oublier et à comprendre ?
Pour aller plus loin, cliquez ici pour consulter un catalogue d’exposition qui présente de nombreuses œuvres du couple (en anglais).
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[…] de la culture américaine qu’il voyait se dégrader. Pour lui, le danger était le même que lorsque les nazis employaient la radio pour bourrer le crâne de leurs auditeurs jusque chez eux : c’est l’uniformisation des contenus et l’absence de remise en question qui sont […]
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[…] par une forme d’archéologie du passé proche. C’est ce qu’on retrouve dans son installation Volksempfängers, qui soulève le passé allemand à travers des postes radios commercialisés par les services de […]
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