Féministes – Détourner le sexe.

Vous avez peut-être suivi l’énième scandale qui éclabousse la scène politique de ses accusations sexistes. Si la lumière est faite sur Denis Baupin, la question de la femme dans la société reste toujours conflictuelle malgré les nombreux combats menés.

À l’occasion du Feministival qui se tiendra les 28-29 mai à Paris et qui réunira la scène culturelle féminine, je reviens sur quelques artistes qui se sont emparées de ces questions. Mon point de départ est la représentation du sexe dans l’art, par les femmes.

Provoquer par le sexe…

Nous connaissons tous L’Origine du monde de Gustave Courbet, peinte en 1866, qui a émoustillé le public par son goût de l’interdit.

Pourquoi ? Parce que le peintre nous montre en cadrage serré, un vagin. Les autorités crient au scandale, la pudeur censure et demande à cacher ce sexe que je ne saurais voir ! Mais quel est alors le véritable scandale ? Plusieurs années passent et font de ce tableau une œuvre majeure et un sujet propice aux détournements, comme le pénis d’Orlan.

Le titre qu’elle donne à la toile est tout autant éloquent : L’Origine de la guerre. Avant d’être féministe, ce tableau s’insère dans les problématiques sous-jacentes de l’artiste, à savoir la place des corps dans la société, face aux lois sociales, politiques ou religieuses. S’identifiant en rapport avec L’Origine du monde, L’Origine de la guerre serait l’autre versant de l’humanité, celui destructeur et mortel. Pourtant, Orlan décrit ce pénis comme normal, « qui n’humilie pas les autres« , bien qu’elle l’associe à « la queue du diable » ! Mais plus important, en coupant la tête de l’homme et en cadrant uniquement sur son sexe, l’artiste voulait voir ce qui se passerait. Le rapport à cette toile, est-il le même qu’avec la femme ? Le choc est-il égal ? Et, finalement, que se passe t-il lorsqu’il ne reste qu’un sexe à l’humain ?

Ces représentations peuvent amener à penser notre rapport à la sexualité. Est-ce là une manière de s’opposer à l’amalgame disant que le corps de la femme est un objet sexuel ? Sur ce thème, Penny Slinger, artiste d’origine anglaise, a proposé une performance dans laquelle elle était habillée en mariée, blanc virginal, qui se transforme en pâtisserie.

Influencée par les combats des années 1970 qui exigeaient l’égalité parfaite entre les hommes et les femmes, Penny Slinger propose une métaphore provocante : l’artiste se présente comme ungâteau à partager. Elle devient une gourmandise pour tout le monde. Sans manquer d’un certain humour, elle arrive à critiquer la société patriarcale et le mariage qui soumettait la femme.

… pour revendiquer l’égalité :

Un détail trouble pourtant. En effet, est-ce que représenter une femme les jambes écartées sert la cause féministe ? De nombreuses femmes ont effectivement tenu cette position, comme l’artiste Vaj qui propose un tag dans les rues de Bristol, représentant un graffeur uniquement habillé d’un sweat.

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© Vaj Graff

L’image est forte puisqu’elle réunit deux éléments qui auraient tendance à être distingués : le tag et la femme. Comme elle le dit elle-même, les artistes mis en avant dans ce milieu, sont souvent des hommes. Ainsi, par ce travail, elle nous rappelle que les femmes existent et que leurs créations méritent d’être considérées.

Deborah De Robertis va encore plus loin avec son happening du 29 mai 2014, devant L’Origine du monde. Encore !

Deborah De Robertis, Miroir de l’origine, 2014. Musée d’Orsay.

De ce travail naîtra un véritable scandale sclérosé sur les représentations de la sexualité, puisqu’une plainte pour exhibitionnisme a été déposée, ôtant à ce geste toute la portée politique. Stoïque et s’offrant au regard de tous, l’artiste donne un visage au tableau de Courbet mais affirme aussi « je suis toutes les femmes« . Est-ce choquer pour choquer ? Est-il nécessaire d’aller si loin pour bousculer les mentalités ?

Pour finir, je parlerais de l’appropriation des attributs masculins par les femmes, comme l’a fait Ana Mendieta. Encore jeune étudiante, elle s’est collée des poils de barbe sur le visage, dans une vidéo performance.

Geste qui tend vers le travestissement, l’artiste interroge la dichotomie des genres mais aussi la quête d’identité qui définit les gens. Un mouvement féministe reprend d’ailleurs la barbe comme symbole de leur engagement : La Barbe !

La réappropriation du corps est une question récurrente chez les artistes féministes. Il ne s’agit pas seulement de le montrer dans sa nudité mais de contredire les regards matériels et sexuels qui peuvent se poser sur lui. Par là, les artistes affirment leur corps et leur droit à en disposer ! L’acte est parfois choquant, déroutant et très critiquable mais, finalement, autant que le sont les inégalités sexuels.

Alicia Martins

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Un commentaire

  1. En lien avec votre article sur l’art et le féminisme et en écho avec l’actualité irlandaise de 2018 (#thisisnotconsent). Plasticienne, des femmes indignées par l’acquittement d’un violeur, ont accepté de prêter un string, ce petit bout de tissu, symbole de culpabilité supposé, que je dessine épinglé ?
    A découvrir le tout début de la série : https://1011-art.blogspot.com/p/thisisnotconsent.html
    Et aussi en écho, une oeuvre plus pudique intitulée « Noli me tangere » sur l’inviolabilité du corps de la femme : https://1011-art.blogspot.fr/p/noli-me-tangere.html

    J’aime

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