L’art, le témoin des sociétés.

Il nous semblait important de revenir sur une notion évoquée dans notre présentation : l’art comme témoin de nos habitudes, de nos coutumes et de nos pratiques. Nous le percevons comme une possible expression de notre actualité. S’il est assez aisé de comprendre ce que nous entendons par « habitudes » ou « pratiques », il nous reste à expliquer ce qu’est ce témoignage dans ses acceptations sociologiques et artistiques et l’actualité à laquelle nous le référons.

Le Témoin ?

Commençons donc par définir le témoin et son rôle dans notre histoire. Il en existe différents types : celui oculaire qui dit « j’y étais », celui instrumentaire mandaté juridiquement pour constater l’événement et celui historique qui produit des documents durant l’événement. Ce qui va permettre de qualifier le témoin selon ces types est tout d’abord son rôle actif ou passif durant l’action. Par exemple, les dessins des personnes déportées durant la guerre relatant un instant vécu, à l’image de ceux de Zoran Music, peintre slovène déporté en 1944 à Dachau pour avoir refusé de s’enrôler dans les SS, sont des témoignages historiques.

Nous ne sommes pas les derniers Zoran Music
Nous ne sommes pas les derniers, Zoran Music, 1986. Huile sur toile, 65 x 81cm. Musée des Beaux-arts de Caen.

Ces documents ont ainsi une valeur de transmission universelle vers les générations présentes et futures. Cette caractéristique nous mène à une autre qui est celle de la temporalité. Chaque témoin occupe une temporalité particulière qui est de l’ordre de l’instant (temps T) ou postérieur à l’événement (le tiers qui viendra constater ce qui s’est passé). Ainsi, l’artiste n’est pas nécessairement partie prenante de ces événements mais produit en conséquence de ceux-ci. Le plus parlant est Guernica de Picasso (1937). La force de ces tableaux est alors de nous faire croire que l’artiste a vu et que nous aussi, nous voyons ce qui c’est passé.

Guernica, picasso
Guernica, Pablo Picasso,1937. Huile sur toile, 349.31 × 776.61 cm. Musée Reina Sofía, Madrid.

L’actuel ?

Pour finir, nous définirons l’actuel comme l’état présent de nos sociétés, en l’occurrence. Il n’est pas à comprendre comme un sujet soumis aux tendances et à la mode, mais comme un événement qui surgit au sein de la société (une guerre, une protestation, une politique). Tout comme les journalistes le font, certains artistes répondent à cet appel de l’actualité. Mais contrairement à eux, ils le font avec une part subjective importante. Éponges, ils montrent au moyen de l’art plastique la violence, le cynisme, la peur et la crispation lorsque la société les subit. Mais aussi la joie, l’amour et l’espoir. Dans ces cas, qu’importe que l’art soit figuratif ou conceptuel, seule la force du sentiment par le geste compte. Dès lors, une photographie de champ de bataille de Capa pourra avoir la même valeur qu’un tableau d’Otto Dix ou qu’une sculpture commémorative. L’artiste devient alors l’interprète de grands mouvements sociaux et esthétiques, ainsi que de la vie quotidienne. Il peut également les remettre en question et nous inviter à en faire autant

capa, dday
D-DAY © Robert Capa Copyright By Cornell Capa / Magnum Photos
Dix, retable
La Guerre, Otto Dix. Triptyque, reprenant la forme du « retable », constitué d’un panneau central carré de 204×204 cm, de deux panneaux latéraux de 204×102 cm et d’une prédelle, sous le panneau central, de 60×204 cm. Dresde, en Allemagne

En acceptant le témoignage, il nous faut aussi accepter le fait que certains puissent être faux, falsifiés et menteurs. Ils sont suspectés d’être partiels et/ou subjectifs. Alors pourquoi passer par ces récits (oraux et écrits) ? Parce que certains sont affaire d’écritures, de dessins et d’expressions personnelles nous permettant d’avoir une approche de l’événement à hauteur d’homme. Le témoin est d’ailleurs libre de raconter ou non ce qu’il a vu/vécu. Néanmoins, il faut rester prudents et rigoureux, notamment en mêlant les types de témoignages et en les confrontant aux analyses scientifiques.

L’important est alors de voir le récit de l’artiste (celui dont la création est reconnue et qui fait consensus) comme un sujet sensible dans l’expérience du spectateur. Nous serions presque tentées de dire que l’art y trouve son utilité, impulsé par le point de vue critique, moralisateur, consensuel, censuré ou provocant de son créateur. Du moment que cela nous fasse réfléchir !

Alicia Martins et Céline Giraud.

Cliquez pour voir plus loin : «  Qu’est-ce qu’un témoin historique ? » article de Renaud Dulong et « Toute œuvre d’art a-t-elle valeur de témoignage pour son temps ? » par m.SERGE Nigg délégué de l’académie des beaux-arts.


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